De quelle formation le militant communiste a-t-il besoin ?
Education populaire révolutionnaire et projet communiste

, par  Pierre Martin , popularité : 3%

Le parti a décidé, au moment de son 35ème congrès, de prendre en compte le besoin de formation exprimé par une majorité de militants. La formation politique des militants du P.C.F a durant ces 30 dernières années beaucoup baissé jusqu’à, dans bien des cas, disparaître presque totalement, ses centres formations ont été vendus, sa maison d’édition a disparu. Rien n’est non plus venu remplacer la mise en perspective d’une "union de la gauche" comme bain naturel où le militant communiste devait puiser l’ensemble de ses valeurs et chercher à renouveler éternellement les déclinaisons de ses espérances. Le socle de ces dernières est constitué par le projet de changement issu des années 70, le programme commun, une lecture de la conjoncture mondiale sans lien avec la formation sociale française et un bilan mal distancié et assez peu marxiste de l’existence des pays socialistes. C’est cette matrice qui se trouve aujourd’hui remise en cause, mais sans qu’une ligne claire lui soit substituée en matière idéologique. La direction du parti depuis 20 ans s’est, au contraire, contentée d’en accentuer le caractère droitier, sans là non plus, justifier les raisons objectives d’une telle dérive. La tentative d’imposer une autre histoire au parti communiste s’opère aujourd’hui à coups de renoncement à la logique de rupture, par la réévaluation de thèses réformistes, sans que celles-ci soient clairement revendiquées. Pour ce faire les mécanismes de la logique stalinienne de dénégation et d’effacement continuent d’être utilisés.

C’est particulièrement le cas pour la double filiation, Lénine-Jaurès. Le courant réformiste du parti utilise le journal "L’Humanité" pour procéder à une remise en selle de la pensée de Jean-Jaurès au dépend de Lénine dont le nom, et la référence théorique ont totalement disparu de la presse du parti. Le groupe dirigeant incite clairement à un retour permanent aux écrits du tribun de Carmaux, en mettant en avant la réédition de ses œuvres au moyen d’une maison d’édition dont on ne sait, de quelle autorité elle émane. Faute d’accès à une autre culture, le militant communiste n’a plus, comme seule source théorique, que les écrits du plus célèbre des réformistes et socialistes français. Avec cette politique de déni, et en caricaturant à peine ces effets d’effacements orchestrés, à la question : "qui a créé le PCF ?" le nouveau militant de base, produit déformé de cette histoire tronquée, pourrait aujourd’hui répondre "le PCF a été fondé par Jean-Jaurès". Ce n’est plus : comme par le passé "Qui est le seul continuateur de Lénine ? Il n’en n’existe qu’un : Staline" ; ceci a été remplacé par une autre histoire inventée, une autre fiction : "Jaurès est notre unique référence, le reste nous le rejetons et le nions. Nous effaçons de la mémoire collective du parti, tout ce qui ne va pas dans le sens d’un passage ultra pacifique et totalement électoraliste au socialisme". Pourquoi cette disparition des références communistes, l’effacement complet de l’immense rôle joué par Lénine comme par les autres théoriciens du mouvement communiste, alors que la lecture de ces auteurs, par les dirigeants du PCF des années 70, la ligne stratégique qu’ils en déduisaient, n’était plus "révolutionnaire" que sur le papier.

La raison fondamentale est que le PCF a suivi le glissement à droite de la social-démocratie et qu’il s’y est adapté au point de renoncer à toute avancée remettant en cause sérieusement le capitalisme. Il ne s’agit plus au mieux que de défendre le caractère public de certains services, d’appeler à une éventuelle renationalisation de quelques sociétés de services jugées d’intérêt général comme l’eau, ou encore de la création d’un pôle public dans un secteur qui, par son caractère caricatural dans la crise, fait aujourd’hui l’unanimité contre lui : les banques. Pour tout le reste, c’est-à-dire l’immense majorité du secteur économique, le PCF s’est parfaitement adapté à son retour au privé (toutes les dénationalisations du secteur industriel et commercial etc.). Il ne réclame plus d’avancées dans le sens de la socialisation objective, car il s’apprête très certainement, une fois de plus, à suivre le PS au gouvernement pour y appliquer la politique que celui-ci aura déterminée.

C’est pour justifier dans les esprits cette stratégie de flanc gauche de la social-démocratie, que l’opération Jaurès se développe depuis plusieurs années. Il faut effacer de la mémoire des militants toutes les références qui posent clairement la question du communisme, la rupture réelle avec le capitalisme.

Sur quelles valeurs une formation communiste doit-elle être construite ?

C’est à cette question que nous désirons répondre ici, mais pas pour y poursuivre la ligne stratégique mise en œuvre depuis des décennies, bien au contraire, il faut rompre définitivement avec cette ligne social-démocrate qui conduit le parti à sa perte et l’éloigne un peu plus chaque jour du projet communiste.

De quels matériaux et de quelle représentation du monde le militant communiste a-t-il besoin, pour avancer sur la route du communisme ? Pour nous, il ne peut s’agir que de tout ce qui lui permet de comprendre et travailler à l’abolition des classes sociales, à la disparition de ce qui chapeaute leur reproduction, donc essentiellement tout ce qui concourt au dépérissement de l’appareil d’État.

Dans ce cadre, des questions telles que les questions sociales et sociétales devraient y être considérées comme soumises à cette finalité et non plus, comme le propose le courant réformiste dominant du parti, mises sur un pied d’égalité. Des camarades peuvent considérer que ce point de vue est une erreur, que ce n’est pas la bonne stratégie, cependant, à la différence de ce qui existe aujourd’hui, il faudrait au moins que les militants communistes puissent en discuter librement. Dans un parti démocratique, la gauche du parti devrait avoir accès à une représentation dans les instances dirigeantes et dans ses moyens d’expression équivalent à son poids réel, ce qui n’est pas du tout le cas. Tout est fait au contraire pour lui faire barrage.

Parce que nous avons développé un rapport théorique à la division qui existe depuis très longtemps, défendant le droit pour les sensibilités de s’exprimer dans le parti, nous admettons qu’il existe d’autres représentations des choses dans le mouvement ouvrier "révolutionnaire". Le mouvement ouvrier n’est pas politiquement unifié car il représente les intérêts de fractions du salariat, ou de fraction de classes, qui ne le sont pas elles mêmes. On peut, par exemple, avoir une vue socialisante du changement, vouloir en rester à un rassemblement des forces progressistes, en France comme en Europe. C’est ce que font la plupart des dirigeants des partis de gauche et ce que fait très bien, par exemple, Jean-Luc Mélenchon. Ce camarade est un socialiste conséquent, il n’a pas besoin d’une représentation du monde ou d’une doctrine communiste pour avancer sur la route du progrès social ou pour défendre les libertés démocratiques, défendre l’État de services publics. Il faut reconnaître que dans le combat pour la démocratie sociale, nous avons des alliés, qu’historiquement nous ne sommes pas seuls, mais on ne peut accepter de soumettre notre vision du monde à l’un de nos partenaires, même si nous partageons en partie des analyses communes, parce que le communisme est précisément une phase historique qui affirme digérer tous ces points de vue en les dépassant.

On peut, autre exemple, considérer que l’important c’est de défendre la république et le droit républicain (c’est ce pôle qu’incarnait Jean-Pierre Chevènement quand il était encore le "Che" du CERES), mais si on s’en tient là, dans ce cas on n’est pas communiste, on est simplement un républicain conséquent, comme Jaurès, dont Lénine disait qu’il a toujours été le représentant de l’aile droite du socialisme français. On peut, pour poursuivre, considérer comme l’aile gauche de ce même socialisme que la question principale c’est la justice sociale, et l’existence d’une égalité des chances entre les groupes sociaux antagonistes, là aussi, on n’est pas communiste, on est simplement un social-démocrate conséquent, comme Jules Guesde, Karl Kautsky. La reconnaissance et la pratique de la lutte des classes, ne définissent pas essentiellement un positionnement communiste, pas plus que le républicanisme social conséquent. Marx et Lénine le disaient très clairement, même les bourgeois reconnaissent ces 2 catégories et s’y réfèrent. Quant à la question des genres comme le féminisme, le régionalisme culturel ou le nationalisme linguistique, ils peuvent être totalement soumis à la stratégie bourgeoise de division de la classe ouvrière en vue de l’affaiblir. C’est pourquoi il existe un régionalisme bourgeois et un régionalisme de lutte de classe, un féminisme bourgeois et un féminisme de lutte des classes, toutes les féministes communistes l’ont dit, Zetkin comme Kollontaï.

Être communiste c’est forcément soumettre à un point unique, jugé majeur, l’ensemble de la résolution des contradictions (comme le font d’ailleurs les républicains, socialistes, ou féministes conséquents). Quel est ce point, ce levier qui surdétermine tous les autres ? Ce levier c’est la disparition des classes sociales. Pour les communistes le projet pour lequel ils luttent (ou devraient lutter), c’est la société sans classes. C’est pourquoi historiquement, ils sont le dernier maillon de la pensée progressiste. Ils arrivent après les tenants des genres, après les républicains, et après les sociaux démocrates. Ils posent la question ultime, parce qu’ils estiment que tous les autres points de vue n’ont pas réussi à apporter une solution satisfaisante et définitive à la libération du genre humain. Ils reprennent tous les progressismes historiquement constitués et montrent comment la dialectique de leurs contradictions, liée à la dimension partielle de leur essence de classe, ne peuvent qu’incomplètement résoudre la crise, ils ne peuvent se réaliser totalement que dans la disparition des classes sociales.

Que faut-il faire, pour faire disparaître les classes sociales ?

Il faut construire un programme clair qui en ouvre la perspective, donc se donner la vision la plus juste de ce qu’est une classe et comment s’articule historiquement le chemin qui conduit à sa disparition. Bourgeois, ouvriers, capitalistes, prolétaires, où sont-ils, qui sont-ils ?

Comment puis-je mener le combat, si je suis incapable de reconnaître mes alliés de mes adversaires ?

Le féminisme m’aide-t-il, à lui seul, à résoudre cette question essentielle, et le républicanisme et le social-démocratisme ? Nous estimons nous que non, pas essentiellement. Ils nous offrent une vue parcellaire de la résolution des contradictions, une vue importante, intéressante, mais qui ne constitue qu’un moyen ou un instant de l’avancée vers la société sans classes.

Le moyen fondamentale, nous le rappelons dans tous nos articles, c’est la stratégie d’unification du groupe social que nous défendons, ceci face à son pôle antagoniste : les prolétaires contre les capitalistes, les ouvriers contre les bourgeois. A chaque stade une polarisation principale surdétermine une contradiction principale, et dans cette lutte il s’agit d’agréger toutes les questions qui s’y rapportent.

Nous sommes aujourd’hui et ceci depuis le début du 20ème siècle, dans la phase qui voit s’affronter les prolétaires aux capitalistes. La contradiction actuelle principale est là, mais elle n’est pas l’unique contradiction, l’autre contradiction fondamentale pour le communisme est celle qui voit s’affronter bourgeois et ouvriers. Elle est également présente, nous ne devons pas l’oublier, même si au stade de développement de notre société, elle n’est pas encore la contradiction principale. Oublier cette seconde contradiction, ne pas la voir ni vouloir la résoudre est ce sur quoi le Mouvement Communiste International, dont le PCF, a échoué dans son avancée stratégique et tactique vers la société sans classes. Ils se sont figés et sont restés au stade de la confrontation entre prolétariat et capitalistes.

La contradiction Prolétaires-Capitalistes porte sur la nature de la propriété, elle est à ce stade de développement historique, contradiction principale parce qu’elle soumet toutes les autres contradictions sociales, dont la contradiction ouvriers-bourgeois, à la question du droit. Aujourd’hui la reconnaissance des droits est une lutte essentielle et c’est pourquoi la question de l’État est une question essentielle. Cette situation rend le républicanisme conséquent incontournable, la défense de ses acquis : la constitution, la laïcité etc. C’est aussi pourquoi l’avancée sociale et démocratique, les droits sociaux, la répartition, la défense des salaires, sont des luttes d’importance, tout comme celles pour les retraites, la sécurité sociale etc. C’est enfin pourquoi, la lutte des genres et la défense de l’égalité hommes- femmes ne doivent pas être sous-estimées. La contradiction principale, donc, nous oblige à rechercher l’unification de ce prolétariat, l’unification de tous les privés de droits. Mais tous ces droits ne se situent pas au même niveau, ni ne portent sur des objets et des sujets identiques, ce qui les unifie en dernière instance et joue un rôle surdéterminant, c’est le droit de propriété. L’État des non-propriétaires, l’Etat Prolétarien est la figure unificatrice de tous les privés de droits, mais il est aussi le dernier stade de la présence du droit comme forme du contrat social entre les individus ; avec son avènement doit impérativement commencer le début de son dépérissement.

Car les communistes ne peuvent ni ne doivent oublier, le cœur de la contradiction : pourquoi y a-t-il dans la phase historique actuelle, lutte entre ces 2 grands pôles que sont les capitalistes et les prolétaires ? Pourquoi la question du droit, la question des droits, est elle le nœud gordien qu’il faut trancher en réalisant l’avènement de la société prolétarienne. Parce que derrière la question du droit, se cache la question de la nature de la production et de la création de richesse, la façon que l’on a de se les approprier dépend donc largement, de la façon que l’on a de les produire. C’est pour reproduire l’existence de la bourgeoisie que le capitalisme est né, c’est pour créer une classe productive, une classe ouvrière, que le système a prolétarisé une masse croissante d’individus. Le droit dans son essence, tente de résoudre la question de la source et de l’origine de la création de richesses, mais il le fait en les masquant, en les détournant. Le cœur de la contradiction pour parvenir à la société sans classes réside outre dans la question de la propriété, dans celle de la source de la création de richesse et dans son organisation, dans la résolution du pôle classe ouvrière-classe bourgeoise. Qui est exploité et à l’opposé qui profite de l’exploitation ? Or ce que l’histoire démontre, c’est que cet axe ne recouvre pas l’axe précédent, ne s’y superpose pas mécaniquement. C’est une nouvelle phase qui s’ouvre dans la résolution des contradictions, une phase qui ne peut pleinement s’épanouir pour devenir contradiction principale, qu’avec l’avènement du prolétariat au pouvoir.

Il convient ici de réaffirmer l’essence de la Dictature du Prolétariat : l’avènement du prolétariat au pouvoir prive du droit de propriété des moyens de production, l’immense majorité et à toute fin, la totalité de la population. Cette disparition privative, devient totale avec la disparition de l’État et l’avènement du communisme. Cependant par quel miracle, la disparition d’un droit même essentiel, serait-elle vecteur de l’avènement et de la réalisation de tous les autres droits ? En réalité et c’est l’erreur que commettent les tenants du droit de l’hommisme, le communisme n’est pas l’avènement d’un État de super-droits sociétaux-sociaux. Il est l’expression de la socialisation d’un droit fondamental, celui de production, et par extension celui du droit de propriété privée des moyens de production, à l’ensemble des droits humains au plus essentiel d’entre eux : le droit des personnes. L’avenir de la personnalité dans ses genres comme dans ses actes, c’est la socialisation et l’altérité, et donc la disparition du droit privée de la personne (droit de l’homme), au profit d’abord du droit public (le droit du citoyen), puis du droit collectif. Le droit d’une femme devient le droit des femmes, puis par disparition de la question de la division du travail (professionnelle et domestique), droit du genre humain. La sexualité reproductive n’est pas une question de droit, c’est une question biologique, une question de nature, la nature ne relève pas du droit, mais du fait. Avec ou sans droits, ce seront toujours les femmes qui donneront naissance. Avec ou sans droits, un brun sera toujours brun, un grand toujours grand et un vieillard toujours moins jeune. Si le droit pénètre aujourd’hui la biologie, c’est parce que la production et la division du travail y ont acquis une place qui remet en cause ce qui hier, relevait de l’état de nature. La biologie comme industrie (ce qui est nouveau, car pendant des millénaires la biologie n’a pas été une industrie) devient donc source de profit pour le capitalisme, la question d’un droit du vivant, se pose donc aujourd’hui, mais cette question ne se pose que parce que le capitalisme pénètre toujours plus, et plus loin, chaque segment de l’existant. Il pénètre parce qu’il veut profiter, et pour profiter il privatise, il donne par là et dans un double mouvement, création à la figure antagoniste du prolétaire (le droit n’existe comme le rappelle fondamentalement le marxisme, que parce qu’une partie de la population en est exclue, le jour ou l’essence du droit s’universalisera, le droit disparaîtra), mais il privatise aussi et essentiellement, pour exploiter, en créant une classe ouvrière (par conséquent, il renforce la création de la figure opposée, celle de celui qui vit du profit : le bourgeois).

La Dictature du Prolétariat est dictature de l’immense majorité de la population au profit de l’immense majorité de la population. Plus le stade du communisme s’annonce, plus le prolétariat devenu catégorie sociale généralisée doit tendre à devenir classe ouvrière, et donc parallèlement conduire au dépérissement de l’État. En ce sens, l’avènement du prolétariat conduit à la disparition de l’État de droit, c’est pourquoi Marx affirme que cette situation historique est une dictature. Droit privé, puis par avancée de la socialisation objective sous sa forme étatique : droit public (qui n’est jamais que la somme des droits privés subsumés dans la figure de l’Homme général ou de l’Homme en général : l’homme public) pour atteindre à la fin de la question de "l’Homme" : le collectivisme.

"Le Marxisme" disait Louis Althusser "n’est pas un humanisme", l’homme privé, l’homme public, les droits de l’homme, n’ont d’autres vertus que de poser la question de l’existant au regard de l’appropriation, et l’appropriation de n’exister, qu’au regard de la pensée. Elles sont dans leurs essences et dans leurs fondements des théories idéalistes, comme le sont toutes les théories de l’appropriation, dont la fameuse théorie de la connaissance. Je connais par appropriation, mes connaissances deviennent "mon" patrimoine et fondent "ma" personnalité. Tout ce développé est la quintessence de l’idéologie bourgeoise et c’est pourquoi la théorie de la personnalité comme théorie de la maîtrise des connaissances, des biens, voir de l’emploi du temps, comme toute théorie patrimoniale, sont d’essence bourgeoise. Il va sans dire dans ce cadre, que l’appréciation de ce que sont les lieux de diffusion du savoir ne peut échapper à la critique rongeuse des souris.

L’école laïque et républicaine est une école contradictoire : dans son fond, elle est essentiellement petite bourgeoise (méthode de diffusion des connaissances par appropriation personnelle), dans sa forme, elle peut être utilisée jusqu’à l’avènement historique de l’État Prolétarien. En effet dans son objet, elle est publique et donc destinée à s’adresser à tous. Mais pour passer au communisme, il faut que le "tous" se métamorphose pour adopter le statut d’un seul groupe social : la classe ouvrière. C’est pourquoi dès l’avènement du prolétariat au pouvoir ne peut manquer de se poser la question : de quelle école la classe ouvrière, en devenir, a-t-elle besoin ? Si le "sujet" productif est, et ne peut être, qu’un sujet collectif, de quelle forme de collecte et de mise en œuvre des savoirs a-t-il besoin ? (Voir nos 2 articles sur l’Education Populaire Révolutionnaire, sur le site Unité Communiste)

C’est la nature même de l’école publique qui doit être modifiée. De lieu d’appropriation d’un Savoir idéel, se transformant en somme de savoirs objectifs individuels, l’école collectiviste doit devenir lieu de réalisation d’un pouvoir : la mise en œuvre du travail collectif, pour construire la figure sociale de la production communiste, "Le Travailleur Collectif". A l’école "on" travaille, non pour acquérir un savoir personnel, futur fruit d’un épanouissement individuel, mais pour s’entraîner à réaliser des tâches sociales. Le savoir est mis "en commun" pour le bien être de la collectivité. Il est anticipation du Travailleur Collectif que le futur salarié actif et productif, "l’Ouvrier", devra construire. Le prof, n’est plus cette figure patriarcale chargée de transmettre un patrimoine culturel universel, en vue de constituer une somme de petits patrimoines privés. Il aide à advenir une figure révolutionnaire collective qui en critique l’essence et qui en dépasse la forme. Ce qui advient n’est plus une personnalité individuelle, ou une somme de personnalités limitée à une dynamique de groupe, mais un groupe de type nouveau. Le prof va vers l’effacement au profit de la cellule collective qui doit trouver ou créer ses ressources socialement productives de façon de plus en plus autonome. La connaissance n’est plus le but, elle devient un moyen. Le but c’est le groupe, c’est le collectif, c’est l’altérité. Le bonheur du "Moi" égoïste, devient bonheur des autres. Qui ne voit aujourd’hui dans ce monde d’individualisme bourgeois, conduit vers une société de relations sociales ultra-violentes, à quel point la non réalisation de l’idéal communiste mène l’humanité à sa perte.

L’avenir de chaque être humain dépend aujourd’hui du bonheur de l’humanité, ne rien faire pour le construire c’est aller vers sa destruction. Qu’avons-nous besoin de cours d’instruction civique, de respect de l’autre, si elle n’est reconnaissance que de sa propriété, de son petit "moi" égoïste ? La majorité des jeunes des cités disent "Ou l’autre fait parti du groupe, ou il est contre le groupe !" et ils ont raison. Ils ont l’instinct de leur classe, ils remettent en cause l’école d’instinct, ce qu’elle a d’essentiellement bourgeoise, d’essentiellement individualiste. Cependant, ils ne mènent pas la lutte de bonne manière, il leur manque la conscience de classe, la conscience que l’avenir du groupe, est plus que la somme de tous les groupes, de toutes "leurs" cités. L’avenir des groupes, c’est l’Humanité, même si paradoxalement elle ne peut se réaliser qu’à travers la figure d’un seul groupe : la classe ouvrière. Les cités font figure aujourd’hui de ce qui identifie encore à la classe ouvrière. Mais elles n’en sont que l’expression salariale, la face de la répartition, la face de la consommation urbaine. C’est pourquoi les jeunes en révolte ne peuvent dépasser le stade de la guérilla urbaine. Ils sont englués dans une stratégie basée sur la défense de leur zone de consommation, leurs petits échanges, leurs petits trafics, leur petit "Moi" égoïste bourgeois. Favorisant, contre eux-mêmes, la mise en place d’un État policier, pour le plus grand plaisir des plus gros trafiquants, les trafiquants "légaux", les grands bourgeois.

L’école exclut le groupe et ne reconnaît que les individus, ce en quoi elle n’est pas formatrice de l’intérêt collectif, elle n’est formatrice que d’une pseudo-socialisation, la socialisation "agrégative" d’individus bourgeois. S’il y a du "tous-ensemble" dans l’école, c’est uniquement pour des raisons d’économie. Tous-ensemble, certes, mais pour la sélection individuelle, que le meilleur gagne, voilà l’essence de l’école bourgeoise !

Que biologiquement l’être humain puisse s’approprier est une réalité merveilleuse, mais il n’est pas ou plus le seul. Aujourd’hui des machines peuvent aussi le faire, et le faire pour rendre et développer, pour produire. Stocker des connaissances n’est donc pas, ou plus, un objectif en soi. Pour quel devenir dois-je apprendre ? Suis-je seul au monde ? Suis-je un Robinson tout juste bon à établir le marché pur et parfait sur mon île. Un contrat social avec une non-personne qui n’est jamais que mon double nié, un certain "Vendredi", sans doute parce que ce jour là, j’avais envie de poisson et que la meilleure façon d’en trouver c’est de créer un marché virtuel, avec un "autre" moi-même, qui n’est là que pour ma satisfaction personnelle.

De quelle formation le militant communiste a-t-il besoin ?

De la formation qui lui fournisse les outils d’une pratique de groupe, pour l’aider à passer de l’unification du prolétariat à l’unification de la classe ouvrière. Comme le prolétariat et son antagonisme le capitaliste, comme la bourgeoisie son opposé, la classe ouvrière elle aussi n’est pas unifiée. Elle n’est pas un groupe conscient, travaillant dans le même sens, à l’avènement de la société qu’elle doit construire. Comme catégorie sociologique la classe ouvrière, n’est pas une caste, c’est un groupe ouvert qui connaît des flux d’entrants et des flux de sortants. Faire advenir le communisme, c’est faire qu’il n’existe plus qu’un flux d’entrants, un flux unique de tous les actifs. Mais c’est aussi au sein de cette classe en finir avec la division capitaliste du travail et la source qui la renouvelle et la justifie : la division naturelle du travail. La division naturelle du travail est un processus historique qui ne reviendra pas en arrière, mais on peut la contrôler et la réduire à son strict minimum et on doit le faire, car dans beaucoup de ses effets, elle justifie et accélère la division capitaliste du travail. Faire advenir l’époque de domination absolue de la classe ouvrière, le communisme, c’est faire advenir la figure d’une personnalité active maitrisant cette division, créant plus de richesse qu’elle n’en consomme et donc faire disparaître son pôle opposé, son pôle antagoniste, le pôle bourgeois. Celui-ci est constitué de tous ceux qui ne sont pas productifs, ceux qui sont chargés de faire se reproduire ou d’aider à reproduire, ce pôle ; au premier rang se trouve l’État et son personnel. Pour qu’advienne la société des producteurs non propriétaires associés, la société communiste, il faut faire disparaître les fonctions qui justifient les statuts, les postes et les rôles de la bourgeoisie, pour cela il faut s’attaquer à la division du travail.

Unifier le prolétariat tout en ne cherchant pas à freiner son ouvriérisation, son "exploitation" productive, voilà la tâche des communistes. Dans ce cadre 2 missions s’imposent : liquider le capitalisme et liquider la bourgeoise. Il ne doit plus rester à la fin du processus qu’une seule figure sociale d’actif : le membre de la classe ouvrière. C’est-à-dire un actif productif non-propriétaire intégré au travailleur collectif des unités de production. Cet actif remet journellement en cause la division technique et la division sociale du travail, mais cet actif gère aussi (rôle essentiel de la bourgeoisie), il est délégué sur un court mandat dans la direction de l’unité de production et dans la direction sociale de la cité. Le travailleur communiste réunit les fonctions productives et improductives dans une seule personnalité sociale, il liquide par son existence, l’essence de la production et de la reproduction de la bourgeoisie, l’État et la justification de son existence, la non productivité.

Quels sont la nature et l’essence de ce type d’actif productif, ce membre de la classe ouvrière ? Il est actif sur tout et pas simplement résultat passif du produit mécanique de la scission du travail complexe ou travail intellectuel, entre un pôle de production et un pôle de surveillance, par acceptation passive de son intégration à la machine. Il n’a pas pour finalité de se transformer en un travailleur intellectuel superviseur de "Big-Brother" qui fonctionnerait seul. Il n’est pas cet agent actif d’un îlot de productivité unique entouré d’une masse humaine déconnectée de toute participation à la production. Tout ceci pour vivre un Eldorado à la Paul Lafargue, un "Droit à la Paresse" permanent, puisque "La Machine" produirait pour eux et lui.

Quand Marx affirme que nous pourrons au stade du communisme être tout à la fois pêcheur, chasseur ou peintre, à notre avis il reproduit involontairement l’erreur issue de la pensée utopique, dans laquelle il a pris cette assertion. Il insiste sur la multiplicité des capacités de l’individu à exercer plusieurs activités (ce qui est très justement l’affirmation de la remise en cause de la division du travail) mais en les prenant toutes dans un emploi du temps qui relève essentiellement du loisir. Il nourrit la déviation anarchiste consistant à considérer le travail comme un fléau et non comme le premier des besoins. En fait, il nous semble qu’il veut montrer que la dimension créative et épanouissante du travail existe dans les activités qui favorisent l’apparition et la réalisation d’une œuvre, ce qu’incontestablement, sous le capitalisme, seule la possibilité d’un temps de loisir favorise, en réconciliant la personnalité humaine dans sa conception comme dans sa réalisation (ce qui explique aussi aujourd’hui, l’explosion des activités de bricolage dans le temps de loisir. Il n’y a pas seulement une question de coût économique dans un tel phénomène. Il y a aussi pour les milieux populaires la claire affirmation de la volonté de se reconstruire dans la totalité d’un projet, la réalisation d’une œuvre de sa conception à sa mise en chantier).

Dans le communisme c’est tout le travail qui doit devenir une œuvre, c’est pourquoi le travailleur ne peut plus accepter de se soumettre à la division du travail, c’est elle qui doit se soumettre à l’épanouissement du travailleur. Il en est de même de la science et le type de moyens de production qu’elle engendre. C’est pourquoi il est fondamental de réfléchir à quel lieu de transmission des connaissances les communistes veulent vraiment aboutir. L’école telle qu’elle est organisée aujourd’hui, en produisant d’un côté un travail déqualifié et de l’autre une élite scientifique, ne nous semble pas répondre à cette fonction.

Unifier le prolétariat pour unifier la classe ouvrière :

Par sa remise en cause incessante de la division du travail et de la propriété, le militant communiste, travaille à la double tâche d’unifier le prolétariat et d’unifier la classe ouvrière. Dans 2 articles sur l’unification de la classe ouvrière, nous avons déjà présenté la façon dont le marxisme révolutionnaire pose théoriquement la question de l’unification de la classe ouvrière. Nous n’avons pas encore traité de l’unification des privés de droits, des prolétaires, et plus fondamentalement encore de l’articulation dialectique de ces 2 moments. Cependant traiter du parti et du rôle du militant communiste, c’est déjà poser un jalon. Le militant communiste se donne les moyens d’agir en se donnant la forme de structuration qui dans ses actions comme dans son mode d’organisation conduit ses 2 finalités. Trotski disait "La crise de la civilisation est la crise de la direction ouvrière", tous les jours nous le constatons. Tant que la crise du PCF se poursuivra, notre peuple connaîtra la crise idéologique des valeurs et des projets capables de le sortir de la crise. Quand une direction juste sera reconstruite, notre peuple se rangera sous sa bannière, quelles que soient les souffrances que le capitalisme lui inflige, car ce n’est pas du manque de satisfaction de ses "besoins" que notre peuple souffre (la souffrance des peuples par insatisfaction des besoins est une souffrance historique, elle existe depuis que l’humanité existe), c’est du manque de perspective pour qu’il puisse construire les besoins de ses fins, les besoins de communisme.

Une première réflexion sur l’unification du prolétariat, nous conduit à penser que le parti bon an mal an, tout comme une partie de l’extrême gauche radicale, ne conduit pas un trop mauvais combat sur cet axe, il en développe juste une représentation déformée. La lutte pour les droits est bien présente dans l’activité permanente du parti, mais comme elle n’est plus reliée à l’avènement d’un autre futur, elle devient une lutte pour les droits en eux-mêmes et plus une lutte pour la disparition du droit. Ceci est la conséquence directe de l’abandon de la Dictature du Prolétariat, la disparition "conceptuelle" de cette catégorie sociale, comme catégorie chargée d’incarner une phase historique bien précise, dont le parti, loin d’en dépasser la figure en est devenue la victime inconsciente. On ne liquide pas le prolétariat, même quand on cherche à tout prix à en faire disparaître la représentation sociale et sa charge symbolique. On en devient plutôt victime, en éternisant la phase de son avènement (l’État de droit) et en devenant incapable de dépasser cette phase. Le parti s’est condamné à piétiner sur place pour le restant de ses jours, il ne peut plus envisager d’ouvrir la voie du communisme, car il s’est lui-même rendu aveugle au chemin qui y conduit, en refusant de caractériser la nature de la première phase du communisme : le socialisme et son essence la Dictature du Prolétariat. Il est condamné à stagner dans la défense des droits, dont l’origine provient, de l’avènement du monde bourgeois, puis plus tard, de son extension capitaliste.

Le jour où l’État de liberté existera nous martèle Marx, le droit et l’État n’existeront plus. Ce contenter de stagner dans la lutte pour l’État de droit, c’est vouloir éterniser l’État et donc éterniser les classes sociales. C’est ce stade qu’incarne le stalinisme, l’État absolu, mais c’est aussi la quintessence de l’idéologie social-démocrate, le stalinisme n’est qu’une variante de social-démocratisme totalitaire, mais qui a dit que social-démocratisme rimait avec liberté ? Pas ceux qui ont connu les guerres coloniales dans notre pays en tout cas ! C’est pourquoi le parti a basculé aussi facilement du stalinisme au social-démocratisme, tout naturellement, sans s’en apercevoir. On s’endort enfant de Joseph et on est tout étonné de se réveiller fils de Jean (Jaurès). Mais nous ne cessons de le crier le stalinisme est un social-démocratisme, un social-démocratisme totalitaire, parce qu’il veut éterniser la phase de l’État socialiste, de l’État prolétarien. Il veut maintenir à tout prix la domination du pouvoir d’État et du personnel qui va avec. En maintenant l’État, il maintient la bourgeoisie, et en maintenant la bourgeoisie, il favorise la possibilité de restauration du capitalisme. C’est ce qui s’est passé, il y a eu restauration du capitalisme dans toute la zone de l’est et dans la zone asiatique. L’unification du prolétariat n’a pas débouché sur l’unification de la classe ouvrière. C’est le grand échec du Mouvement Communiste International. C’est aujourd’hui à nous de relever le gant, à nous, de reprendre le flambeau.

De quelle formation le militant d’une organisation vraiment communiste a-t-il besoin ?

Si ce n’est l’école, qui doit donner sens ?

L’Education Populaire Révolutionnaire.

Quelle structure d’Education Populaire Révolutionnaire le militant communiste connaît-il ?

Le Parti.

Quel est le lieu que le militant communiste y fréquente, ou devrait y fréquenter, qui ne reproduise ni la division du travail, ni la division des classes sociales ?

Certainement pas les réseaux qui sont organisés par la direction nationale, eux les encouragent, ils ne font qu’adapter le parti à l’état chose existant, les experts expertisent, les prolos, eux doivent se contenter de diffuser la bonne parole du National, ou aujourd’hui, celle d’experts qui devraient se substituer à eux. Cette nouvelle division du travail, proposée par la direction nationale du PCF n’est que le résultat d’une direction de plus en plus soumisse à l’idéologie bourgeoise.

Quel est le lieu créé par les communistes pour remettre en cause cette division ?

La cellule.

Pourquoi les dirigeants ont-ils détruits les cellules ?

Pour mieux faire passer la politique décidée par les experts ou par eux-mêmes.

Pourquoi la cellule remet-elle ou devrait-elle remettre en cause la division du travail ?

Car elle agrège un public composite pour aboutir à une unité commune de représentation et d’action.

Est-ce cela qu’ont produit les cellules ?

Non, mais c’est ce qu’elles auraient dû produire.

Pourquoi ne l’ont-elles pas fait ?

Parce que le stalinisme les a détruites de l’intérieur en les empêchant de devenir des lieux de contreculture.

Pourquoi le stalinisme produit-il cela ?

Parce qu’il est incapable de dépasser le stade de l’étatisation. Il est incapable d’aller au-delà de la mise en place d’un État Prolétarien, vers l’avènement d’une ère ouvrière, d’une ère communiste. Il s’attaque à la propriété, mais pas à la production. Il maintient donc la bourgeoisie au pouvoir, en maintenant sa justification essentielle : la division du travail.

Maintenir la division du travail comme un moment indépassable, justifie l’existence des experts et des dirigeants. C’est pour cela qu’ils ont détruit les cellules, c’est pour cela qu’ils les ont dénaturées jusqu’à ce qu’elles disparaissent. (Que cette politique ait été menée consciemment ou inconsciemment importe peu, c’est ce qui est advenu qui nous importe)

Quels types de cellules devraient être mis en place ?

Pour l’action comme pour la réflexion, elles devraient aider à la remise en cause de la division du travail et de tout ce qui lui est liée. Exemple : la sectorisation liée aux pratiques de consommation.

On dit beaucoup qu’il n’existe plus de cellules de quartiers, c’est vrai. Mais que reprend et diffuse une cellule de quartier, animée uniquement par des gens du quartier. Une idéologie spontanée des intérêts et des besoins du quartier. A l’autre bout, nous avons très peu de grands intellectuels et experts, avoir, par exemple, une cellule dans l’une des nombreuses unités de recherche du C.N.R.S, qui ne saurait s’en réjouir ! Mais que reproduit un univers de "savants" entre eux, sinon comme le disait fort justement Louis Althusser "une idéologie spontanée de savants". Nous avons parlé des quartiers, car nous aimons bien construire une pensée "poil à gratter", si nous nous étions contentés de parler des intellectuels, tout le monde aurait acquiescé mais personne n’aurait compris la charge explosive que contient cette réflexion quand elle est étendue à d’autres secteurs de la population. Construire une politique de cellules ce n’est pas construire et reproduire une politique bourgeoise, d’adhésion spontanée à ce que la division du travail, la spatialisation urbaine, la spécialisation, créent. C’est au contraire chercher les moyens de les remettre en cause.

On n’est pas marxiste et encore moins communiste, si on se plie à ce que l’environnement capitaliste et bourgeois nous propose. Tant dans leurs normes de production que dans leurs normes de consommation. Qu’il y ait des quartiers c’est très bien, que nous soyons attachés à ceux qui sont populaires, on le serait à moins si on est communiste. Mais que veut-on y faire, quelle politique veut-on y conduire et quelle conscience politique veut-on y voir se construire ? Veut-on laisser s’y développer une idéologie de quartier, une expression spontanée des "besoins" du quartier ? Cloche-Merle, son clientélisme, son populisme, commencent toujours par une logique de consommation et de circulation, c’est pourquoi Cloche-Merle adore les associations, car la tâche du tissu associatif c’est de "révéler" et permettre d’exprimer les "besoins" de la population, la population des quartiers, le zonage, la politique de la ville etc.

Les communistes ne cessent d’en discuter entre eux, ils ne sont pas champion sur le terrain de leur présence dans les associations, mais ils n’arrivent pas à savoir pourquoi. Le communiste est rétif à "l’associationnisme" aigu, à l’opposé de nos petits camarades sociaux-démocrates qui eux sont passés maîtres dans l’art d’y être présents et de noyauter les villes (surtout les villes communistes) pour en conquérir l’hégémonie "culturelle". Mais personne n’explique d’où nous vient cette réticence et quelle en est la cause profonde. Ce qui facilite la stratégie de l’aile droite du parti. Pour eux, c’est la faute de la forme parti, elle semble ne plus correspondre à ce que la population veut, ne plus correspondre à ses "besoins spontanés" d’où l’explosion des associations et la crise des partis. Pour l’aile droite du parti, si nous comprenions cela, nous arriverions à reconquérir une hégémonie, une hégémonie spontanée de satisfaction des besoins. C’est ce qui fait la force des sociaux démocrates, il y a des besoins, le peuple "souffre" de la non reconnaissance de ses besoins (idéologie spontanée d’essence religieuse, laïcisée pour les besoins du caritatif) et le devoir du militant communiste, c’est d’éviter la souffrance, le militant doit compatir, car le militant communiste a compris, il a tiré les leçons de l’histoire, grâce à Garaudy et Sève, le militant communiste sait qu’il doit être un humaniste : " l’Humain d’abord ".

On reconnaîtra dans cette représentation du monde, l’idéologie spontanée de nos élus. Ils veulent des militants de quartiers qui fassent remonter les "besoins" du quartier, car la tâche d’un élu c’est la "gestion", l’élu gère les besoins. C’est pourquoi l’élu est spontanément social-démocrate, il lui faut réaliser un véritable effort pour rester communiste. La délégation de pouvoir qui nourrit cette déviation pourra disparaître dans sa permanence, avec la disparition de l’État, les collectivités territoriales reprendront le chemin du nom qu’elles portent et que l’étatisation leur à fait perdre de vue : Communes, Collectivités. Mais pour que le militant communiste comprenne ce qui se passe et pourquoi le parti a terriblement reculé sur cette question, il faut réaffirmer que c’est la non résolution de la question de l’étatisme dans le léninisme (développé par Staline), la façon dont a été conduite la mise en place de la Dictature du Prolétariat, qui a produit cette stagnation du Mouvement Communiste International dans la phase d’éternisation de l’État Prolétarien, comme Etat de droit, puis avec sa remise en cause après la crise du stalinisme, par la crise de la fausse légalité qu’il a engendré, l’idéalisation d’un État de droit à construire. L’élu communiste est le produit de la contradiction d’un parti qui n’arrive plus à ouvrir la voie du communisme, qui reste bloqué sur la question des droits et la définition du citoyen comme sujet de droit ; d’où sa tendance à surestimer le poids du public comme forme démocratique d’agrégation des intérêts privés, et sa grande difficulté à envisager son dépérissement au profit du collectivisme. Dans cette représentation du monde, on ne peut plus se passer de l’État de droit, il faut l’éterniser.

Si l’étatisation (son expression et sa manifestation par le droit public) est la phase ultime qu’un élu communiste peut atteindre, il ne peut être conduit qu’à en défendre son extension pour son extension, ou repartir en arrière, vers un mode de gestion plus souple, social-démocrate, faute de perspectives qui lui permettraient d’impulser un autre modèle. Dans tous les cas, il finira à un moment ou un autre, par se soumettre au privé, trouvant que ce mode de gestion est plus malléable, plus flexible, pour obtenir des résultats qui vise une population qui elle se perçoit dans sa singularité. L’élu communiste qui n’arrive pas à avancer vers l’idéal communiste est un futur social-démocrate qui s’ignore, restaurateur à terme de la logique capitaliste. C’est pourquoi, vouloir gonfler le nombre de nos élus, sans savoir vers quoi on les mène, c’est à terme détruire le parti. L’élu est un produit de la division du travail, ne pas avoir une claire vision de ce qu’est la machine d’État capitaliste comme de la machine d’État socialiste : "l’État Prolétarien", c’est n’offrir au militant délégué dans l’appareil d’État qu’une seule porte de sortie, la porte du privé, la porte de la restauration du capitalisme, à Paris, comme à Moscou.

Pierre Martin

(1) Des camarades ayant lu cet article me pressent de fournir un programme, ou un début de programme, qu’une cellule remise en place dans une optique communiste devrait offrir à ces militants. Cette note fait déjà 10 pages, il faudrait un espace équivalent pour développer la logique d’une expression collective remettant en cause la division du travail. Qu’il me soit permis ici de rappeler qu’au commencement était le rappel philosophique que nous sommes tous des sujets (sujets politiques, sujets de droits, sujets philosophiques, sujets pragmato-sensualistes etc.) qui avons une connaissance pratique autant que théorique. Le marxisme a pris l’habitude de dire qu’il avait trois sources : la française (le droit et la politique), l’allemande (la philosophie) et l’anglaise (le pragmato-sensualisme ramené dans les livres à l’économie, " l’économicité "). Aider les membres d’une cellule à prendre conscience qu’ils savent, qu’ils savent plus de choses qu’ils en ont l’impression, me semble un bon début, c’est comme cela que Georges Politzer procédait dans ses cours à l’Université Ouvrière. Dans "Les principes élémentaires de philosophie", le lecteur en a un faible écho, car "l’élève" (Maurice Le Goas) cherche d’abord à rendre accessible la pensée matérialiste d’un point de vue théorique simple pour les besoins de sa démonstration livresque, mais on perçoit tout au long de l’ouvrage que Politzer cherchait aussi à faire prendre conscience que le matérialisme s’éprouve tout autant, et que cela chaque militant peut le saisir, quelque soit son niveau de connaissance. Autrement dit, il est bon de commencer par le sensualisme et le pragmatisme permettant de cerner de grandes catégories : la population, la richesse, la nature etc. "Au commencement" dit Marx "étaient ces catégories" et si elles sont, c’est qu’elles s’éprouvent. "La preuve du pudding c’est qu’on le mange" nous dit Engels. Après, commence la critique philosophique (l’allemande et les autres) pour remettre en cause l’évidence de ce que nous éprouvons (que ce soit de la main trempée dans une bassine d’eau chaude puis d’eau froide ou celle de "salaire" comme rémunération de la force de travail, et non du travail, comme une impression première pourrait nous le faire penser).

Dans une organisation vraiment communiste, nous pourrions ensuite inciter les militants à lire la presse quotidienne du parti, et voir comment un journaliste "communiste" prend un fait d’actualité pour l’éclairer d’un point de vue marxiste, révolutionnaire et communiste. Mais notre chère Huma permet-elle une telle pratique ? On voit bien que non. Alors pourquoi les directions du quotidien et du parti font-elles exprès de s’étonner que même pas la moitié des militants constituent la totalité du lectorat (50 000 lecteurs-134 000 militants) ? Parce qu’ils ne le souhaitent pas, ils veulent un journal pour le microcosme fait par le microcosme, "l’univers journalistique" de la presse dite nationale, alors qu’il faudrait un univers militant fait pour former des militants, membres ou non, du ou, d’un parti, syndicat révolutionnaire etc. Mais pour eux "militant" veut dire "déformé", ils ont tellement peu confiance en eux comme "militants" qu’ils préfèrent redresser cette déviation en créant une presse consensus, une presse d’opinion, plus que de révolution. Aujourd’hui les pages les plus intéressantes du journal sont fournies par des "points de vues" de spécialistes qui reflètent rarement le point de vue du parti, et ils en sont encore plus rarement membres.

Au commencement donc, était le "sujet", car c’est le sujet qui pense. Au commencement était l’idéalisme. Tout sujet est idéaliste, "je suis, car je pense", c’est comme ça que Néné voit le problème, mais Néné se raconte des histoires, car entre temps, il joue aux cartes et aux dés le soir au coin des feux des champs de bataille, il se bat à l’épée au milieu d’un fleuve, il drague les filles, surtout si elles sont nobles et reines, en un mot notre Néné national agit. "Au commencement était l’action" répond son cousin germain Goethe. Descartes saute une étape, notre chère Rosa aussi d’ailleurs quand elle affirme "La liberté c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement" ; penser ça, ne mange pas de pain, agir cela dérange. Dire que sous Staline le peuple russe n’avait pas la liberté de penser, est une affabulation idéaliste ; Staline n’était pas dans les têtes. Mais il était interdit de parler, interdit d’écrire, d’agir pour exprimer sa pensée dans une voie qui ne fût pas conforme à sa politique.

La cellule cela sert à agir, même quand le militant ne détient pas toutes les solutions, toutes les pensées justes. C’est pourquoi Lénine comme le secrétaire de cellule poussent à l’action. Lénine considérait d’ailleurs au nom de ce principe, qu’il valait mieux faire des erreurs que de ne pas agir. "L’erreur" disait-il "est plus chargée d’information que la vérité, car elle nous pousse à l’action pour la rectification". Le parti se donne- t-il le moyen de vraies rectifications ? Chacun jugera de ce que sont les bilans des périodes qui précèdent les congrès. Dans le parti on discute, on ne s’exprime pas, autrement dit on ne rectifie pas grand-chose, on préfère oublier et tourner la page. On dépossède donc le militant du droit à l’information sur la nature de l’erreur. C’est grave, c’est pire que grave, car c’est l’essence même de la politique et cela, je le pense fondamentalement, nous vient du stalinisme. "Non !" penserons certains camarades, "cela existe aussi dans les autres partis, tu es injuste !". C’est bien ce que je dis, cela existe dans les autres partis, donc le parti est un parti comme les autres, et comme il a été déformé par le stalinisme, le stalinisme n’est donc que l’expression des intérêts bourgeois dans le parti. C’est d’ailleurs conforme au sens de l’histoire, Staline n’a fait que reprendre des méthodes qui existaient avant lui. Staline n’était donc qu’un agent de la bourgeoisie, infiltré dans les rangs du parti ! C.Q.F.D. ! (A stalinien, stalinien et demi) !

Continuons notre raisonnement sur la vraie cellule communiste et le besoin de formation (Même si je viens de perdre le droit de siroter une bière avec Momo Cukierman à la table de l’U.R.C.F. et que je conserve à peine le droit de m’asseoir au bout du banc pour prendre un Maurito à la prochaine fête de l’Huma avec Georges au stand du P.R.C.F.). On voit que c’est moins le système des idées qu’il s’agit de transmettre au militant que celui des pratiques. La formation des idées par l’histoire est importante, connaître la doctrine, connaître l’histoire, mais ce qui me semble manquer dans ce que transmet le parti, c’est d’ "éprouver" la philosophie. "Éprouver" la philosophie, ce n’est pas construire un vague psychologisme sur son activité, même s’il est toujours intéressant de connaître les méthodes psychologiques. Éprouver la philosophie, c’est se rendre compte de l’effort de reconceptualisation qu’il nous faut réaliser quand nous nous penchons sur un objet de connaissance, surtout si c’est dans le but de le transformer. Car si le travail mort de l’histoire passée nous oblige à bien connaître le matérialisme historique, l’action communiste doit mobiliser en nous les pré-catégories du matérialisme dialectique (la philosophie matérialiste s’étudie, la dialectique matérialiste s’éprouve) en vue d’obtenir une transformation à double détente. Viser la transformation d’une situation afin d’obtenir un résultat qui ne sera jamais clairement communiste, mais où on le pressent, pour avancer vers… tout en n’écartant pas le reste. Or le reste est immense, la période n’est pas communiste, elle est tout au plus progressiste, le communisme ne deviendra un objectif clair que quand la force capable de le réaliser aura le pouvoir, pas seulement le pouvoir de sa force, mais celui de l’État, car la force d’un État et la force d’une classe ne sont pas de même nature, ni de même puissance, que serait la bourgeoisie sans son État ? Aujourd’hui l’étape nécessite l’union des dépossédés, l’union des prolétaires, pour construire leur État, mais nous avons aussi à prendre soin du futur, la classe ouvrière, la derrière figure sociale productive du communisme. Le communisme est un futurisme, il anticipe, il transcende non pas dans une philosophie verticale, mais dans une philosophie horizontale.

C’est pourquoi beaucoup de militants hésitent à agir et préfèrent se cantonner à populariser les décisions du National, ce qui devrait satisfaire le National, car il peut ainsi contrôler l’activité de l’ensemble du parti. Après tout, rien ici que de très démocratique, on adhère à un parti pour en appliquer la ligne, mais chassez le naturel il revient au galop, ce parti a quand même une histoire, une histoire communiste, et cela ne peut que poser un problème théorique et pratique à ces dirigeants. Si les militants en cellule agissent par eux-mêmes, ils se rendront compte que quelque chose ne va pas dans le parti, donc la direction supervise et ressert les boulons. Le parti "rectifié" attend les directives, oui mais voilà pour fournir de l’activité, même "déformée", il faut de l’information, où la prendre si elle ne remonte plus de la base ?

Et comment la créer, la produire, sans que le militant ait le sentiment que celle-ci est plus ou moins à côté de la plaque ?

Recourons aux experts. L’expert expertise, s’il dit le "vrai" c’est bingo ! S’il se trompe, ou n’a qu’une vue parcellaire, ce n’est pas nous, c’est l’expert ! On tourne la page et on passe à autre chose, à un autre article de l’Huma du samedi, le journal des experts, ou mieux encore au Camarade "Rozès" l’expert des expert, l’expert des sondages. Lui dit le "vrai", il ne prend pas parti ; là le militant ne pourra pas faire de reproche à la direction. Vous voyez bien que la période n’est pas au communisme, y a même des gens de droite, les statistiques le disent ! La population ne nous suit pas, parce que nous ne rendons pas compte de son vécu, les militants ne sont pas de bons sociologues, il faut laisser les experts expertiser. Après, quand la direction nationale aura digéré, ce qu’elle a envie de retenir du discours des experts, vous pourrez appliquer.

Nous pourrions continuer pendant des pages, chers lecteurs, mais je vois que vous commencez à fatiguer, on va donc s’arrêter là.

Résumons :
- 1) ce qui ne va pas on le sait,
- 2) ce qu’il faut faire on le sait,
- 3) comment on y va on le sait,
- 4) pourquoi on ne le fait pas… Il y aurait beaucoup à dire !!!!.

Quelque peu blasés mais toujours debout, une seule chose aujourd’hui nous insupporte encore, c’est qu’on continue de nous prendre pour des idiots. Alors créons des cellules communistes "autonomes", des zones rouges libérées. Si vous manquez d’idées, relisez les écrits militaires de Giap ou de Mao Tsé Toung, et en avant pour le parti de type nouveau !

Pierre Martin (groupe unitecommuniste.org), Août 2010

Voir en ligne : sur le site "unité communiste"

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