Hypothèses sur la sociologie du 36e Congrès - Quelles conclusions ?

, par  Bernard Gerbier

Le 1er mars 2013 à 23:01, par Bernard Gerbier En réponse à : Hypothèses sur la sociologie du 36e Congrès - Quelles conclusions ?

Cher JC,

Je viens de lire ton article. Excellent, encore plus que d’habitude. Mais, je crois que tu as oublié de mettre un peu plus d’économie politique dans ton analyse et de renvoyer à Lénine, Stade suprême du capitalisme (1917), analyse que je trouve EBLOUISSANTE de la fin du cycle hégémonique britannique, en faisant le parallèle avec notre époque de fin du cycle hégémonique américain.

Pour dire quoi : les classes moyennes dont tu parles (très bien d’ailleurs), c’est l’aristocratie ouvrière dont parle Lénine qui n’oublie pas LA TONTE DES COUPONS. Et n’y a t-il pas là une coupure dans les classes moyennes d’aujourd’hui (bien plus complexes que celles d’il y a un siècle) : les enseignants tondent-ils des coupons aujourd’hui ? Et d’autres catégories de salariés « moyens » qui avaient beaucoup espérer tondre ne sont-elles pas déçues aujourd’hui ? D’où cette RADICALISATION qui monte mais ne vise pas pour autant le socialisme. Parce que je reste BETEMENT marxiste (léniniste ?) : sans l’alliance avec les exploités DIRECTS, pas de ligne révolutionnaire. Sans oublier que l’alliance est la condition de la formulation d’une théorie révolutionnaire, le Parti jouant le rôle d’intellectuel collectif.

Enfin, n’aurais-tu pas oublié que le pays qui avait le mieux intégré son aristocratie ouvrière à l’époque de Lénine était l’Allemagne, d’où Kautsky et le virage de la social-démocratie allemande avant et après la 1re guerre mondiale en faveur de l« Allemagne d’abord (Deutschlandüberalles). Et la suite funeste pour les contemporains qui vérifiera ce qu’Engels avait écrit en parlant du déclin britannique : »Socialisme ou barbarie".

Tout ceci pour en arriver à ma conclusion, hyper pessimiste : Pierre Laurent est notre Kautsky (d’où le titre de mon objet), MGB ayant fait le travail de transition, et « L’humain d’abord » est notre Deutschlandüberalles. Il l’est au sens figuré, mais aussi au sens PROPRE car, ironie de l’histoire, l’acceptation désormais inconditionnelle de l’Europe comme horizon économique et politique indépassable nous condamne à emprunter les pas de la bourgeoisie allemande SUR L’ESSENTIEL. Parce que penser que la social-démocratie allemande s’écartera des besoins du capitalisme allemand, c’est franchement n’avoir jamais réfléchi à l’histoire allemande ou n’en rien connaître. Je rappellerai seulement que c’est le social-démocrate Noske qui, en 1919, prendra la responsabilité de la Semaine sanglante -écrasement des Spartakistes et meurtres notamment de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht- en déclarant : « Et s’il faut un chien sanglant, je serai ce chien sanglant ». Il le fera avec l’aide des Corps Francs qui constitueront peu après la base des milices d’Hitler. C’est le même qui proposera l’élection de Hindenburg en 1932. Il mourra en 1946 sans avoir connu trop de vicissitudes de la part des nazis. Thälmann fut lui interné dès 1933 et exécuté à Buchenwald en 1944. Sa dépouille fut jetée aux chiens du camp. Rien à ajouter, mais tout à méditer.

Bernard Gerbier, professeur honoraire des universités, économiste, Université Pierre Mendès-France à Grenoble, ancien adhérent du PCF

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