Le Pentagone envoie une force navale massive vers le Venezuela

, popularité : 6%

Le gouvernement Trump mobilise dans la mer des Caraïbes la plus grande force navale depuis la crise des missiles de Cuba en 1962, en préparation ouverte d’une guerre massive et illégale contre le Venezuela.

Le porte-avions USS Gerald R. Ford se ravitaille en carburant auprès du pétrolier ravitailleur USNS Laramie, en mer Méditerranée orientale, le 11 octobre 2023. [AP Photo/US Navy]

Le secrétaire américain à la Guerre, Pete Hegseth, a annoncé vendredi que, sur ordre de Trump, il redéployait le porte-avions Gerald R. Ford, le plus grand navire de ce type au monde, de la Méditerranée vers les Caraïbes. Cette opération fait suite à celle de jeudi, au cours de laquelle deux bombardiers américains B-1 ont longé les côtes vénézuéliennes pour une démonstration de force effrontée.

Cela faisait à son tour suite à une série d’attaques contre des embarcations dans les Caraïbes et dans l’est de l’océan Pacifique, au cours desquelles les forces militaires américaines ont détruit dix petits bateaux de pêche, tuant au moins 43 personnes. Des corps gravement brûlés auxquels manquaient des membres ont commencé à s’échouer sur les côtes de Trinité-et-Tobago, île située à seulement dix kilomètres des côtes vénézuéliennes.

Il faudra environ une semaine au porte-avions et à ses navires associés, son groupe aéronaval, pour traverser la Méditerranée et l’Atlantique et prendre position au large des côtes vénézuéliennes. Mais des frappes aériennes et autres attaques contre des cibles au Venezuela pourraient être déclenchées à tout moment, Trump se vantant de l’arrêt quasi total du trafic maritime dans cette zone et de ce que les États-Unis allaient se concentrer sur des attaques terrestres.

Carte de l’Amérique latine, le triangle rouge indique le Venezuela.

Début novembre, la flottille américaine au large du Venezuela comprendra donc un porte-avions avec 70 avions de combat et hélicoptères d’attaque, un porte-hélicoptères avec 30 autres avions à rotors basculants et hélicoptères d’attaque et près de 2 000 Marines, le fer de lance d’une force de débarquement d’assaut, un croiseur lance-missiles, six destroyers ou plus et d’autres navires de soutien.

Il va sans dire que cette force n’a pas pour but de lutter contre les trafiquants de drogue. Son seul objectif est d’envahir le Venezuela, un pays de plus de 30 millions d’habitants, deux fois plus grand que l’Irak et une fois et demi plus grand que l’Afghanistan. Environ la moitié du pays, la moitié sud, est recouverte d’une jungle tropicale, faisant partie du bassin amazonien, et jouxtant surtout le Brésil.

Un article du journal britannique de droite Daily Telegraph a fait ainsi le lien entre les menaces lancées contre le gouvernement du président Nicolas Maduro et la campagne de Trump contre les immigrés aux États-Unis :

Certaines sources proches du gouvernement Trump soulignent que la constitution d’une flotte d’invasion pourrait aider M. Trump à résoudre un autre casse-tête politique : l’immigration. Déclarer la guerre pourrait contribuer à la réactivation de l’Alien Enemies Act (utilisé la dernière fois pour interner des ressortissants japonais, allemands et italiens pendant la Seconde Guerre mondiale) afin de détenir et d’expulser massivement des Vénézuéliens. En vertu de cette loi du XVIIe siècle [en réalité du XVIIIe siècle] un président peut cibler les citoyens d’une nation hostile en temps de guerre déclarée ou si un gouvernement ennemi organise une « invasion ou une incursion prédatrice ».

Au début de son second mandat, le président américain avait dépoussiéré cette loi utilisée en temps de guerre, mais avait ensuite été bloqué par la cour d’appel. Les deux architectes de la campagne vénézuélienne sont le secrétaire d’État Marco Rubio et, fait intéressant, Stephen Miller, surnommé « le cerveau de Trump » pour tout ce qui est immigration. Le Venezuela et les bateaux de la drogue deviennent ainsi une fusion complexe des grandes obsessions de Trump : la sécurité nationale, l’immigration et la nécessité de relancer la domination américaine.

En cas de guerre ouverte avec le Venezuela, la situation juridique des migrants vénézuéliens aux États-Unis serait radicalement modifiée. Trump a déjà invoqué l’Alien Enemies Act, bien que sa mise en œuvre ait été limitée par les tribunaux. Il est fort probable que la nationalité vénézuélienne entraînerait l’arrestation et la détention immédiates, indépendamment de toute autre considération juridique, comme le Statut de protection temporaire. Compte tenu du nombre de migrants vénézuéliens, probablement plusieurs millions, actuellement présents aux États-Unis, un nombre considérable d’agents de l’immigration, de policiers et de militaires seraient nécessaires pour les détenir, et seuls de vastes camps de concentration pourraient les accueillir.

Un article paru dans le magazine The Atlantic ce week-end décrivait une « rencontre tendue » entre l’amiral Alvin Holsey, encore chef du Commandement Sud du Pentagone, chargé des opérations dans les Caraïbes et en Amérique latine, et le secrétaire à la Guerre Hegseth, au sujet des frappes contre les petits bateaux. Peu après, Holsey annonçait son départ à la retraite, un an seulement après avoir occupé ce haut poste où il devait rester trois ans.

Le magazine rapporte que :

Une fois le [porte-avions] Ford arrivé, les États-Unis disposeront à peu près du même nombre de navires dans les Caraïbes qu’ils en avaient déployés pour défendre Israël contre les frappes de missiles iraniens cet été.

Alors que les moyens militaires américains s’accumulent dans la région, le discours du gouvernement concernant la destitution du président vénézuélien Nicolás Maduro s’est fait plus menaçant. Une source proche de la Maison Blanche a déclaré à Semafor cette semaine que le gouvernement ne coopérerait avec le Congrès sur ses plans d’action militaire que quand « le cadavre de Maduro serait sous la garde des États-Unis ».

Selon un reportage publié samedi dans le Washington Post :

Ces dernières semaines, le Pentagone a également déployé le MV Ocean Trader, un navire civil transformé en base flottante d’opérations spéciales capable d’envoyer des troupes dans les plus brefs délais.

La présence de ce navire dans les Caraïbes a coïncidé avec le déploiement d’avions sélectionnés du 160e Régiment d’aviation d’opérations spéciales, une unité d’hélicoptères d’élite qui soutient les missions les plus dangereuses dans le monde.

Ces forces pourraient être utilisées pour des raids contre des cibles terrestres au Venezuela, comme Trump en a menacé, voire pour une frappe visant à décapiter le pouvoir à Caracas. Un destroyer américain, l’USS Gravely, et l’unité de Marines doivent faire escale à Trinidad cette semaine, les plaçant ainsi à seulement six milles [10 km] des côtes vénézuéliennes.

Le Wall Street Journal a cité Robert O’Brien, conseiller à la Sécurité nationale de Trump au cours des deux dernières années de son premier mandat : « Déployer un porte-avions sur le théâtre des opérations est la déclaration la plus claire que les États-Unis puissent faire quant à la gravité de la crise […] la puissance de combat que le groupe naval du Ford peut générer est suffisante pour vaincre l’armée du régime de [Nicolás] Maduro, ce qui serait l’étape clé pour installer au pouvoir la présidente légitimement élue du pays, Maria Machado. »

Cette dernière description est remarquable, car Machado a été disqualifiée pour se présenter en 2024 et n’a donc jamais obtenu une seule voix. Elle n’a jamais été candidate à une élection présidentielle. Mais son prix Nobel de la paix a fait d’elle la figure de proue d’un nouveau régime soutenu par les États-Unis au Venezuela.

Le Parti démocrate est resté largement silencieux sur la préparation par le gouvernement Trump d’une guerre illégale contre le Venezuela. Une grande partie du dossier juridique élaboré par la Maison-Blanche repose sur les frappes de missiles autorisées par le gouvernement Obama, qui justifiait ces frappes contre des personnes dont les activités étaient censées correspondre à la « signature » de terroristes d’Al-Qaïda, même si leur identité réelle était inconnue. De même, les pêcheurs des Caraïbes sont présentés comme correspondant à la « signature » de trafiquants de drogue.

Plus tôt ce mois-ci, les sénateurs démocrates Adam Schiff (Californie) et Tim Kaine (Virginie) ont présenté une résolution visant à mettre fin aux frappes. La motion a été rejetée par 51 voix contre 48, Rand Paul (Kentucky) et Lisa Murkowski (Alaska) étant les seuls républicains à la soutenir. Le seul démocrate à avoir voté contre était John Fetterman (Pennsylvanie).

Lors d’une interview remarquable sur « Meet the Press » dimanche, le sénateur démocrate Ruben Gallego de l’Arizona a été interrogé sur la conformité avec le droit international des attaques du gouvernement Trump contre des bateaux présumés de trafiquants de drogue. Il a répondu : « Non, c’est un meurtre […] Si ce président estime qu’ils agissent illégalement, il devrait faire appel aux garde-côtes. S’il y a un acte de guerre, alors vous vous servez de notre armée, puis vous venez nous parler à nous en premier. Mais là, c’est un meurtre ». 

Kristen Welker, l’intervieweuse de « Meet the Press », n’a pas sourcillé face à cette caractérisation mais a juste continué sans commentaire. Gallego a ensuite abordé la position du Parti démocrate face à la paralysie du gouvernement, exigeant que Trump accepte de négocier. Ni Gallego ni Welker n’ont indiqué qu’il y avait une contradiction entre qualifier Trump de meurtrier et chercher à s’asseoir avec lui à une table de conférence.

Pendant ce temps, le collègue démocrate de Gallego, le sénateur Mark Kelly, de l’Arizona, s’exprimant dans l’émission « This Week » d’ABC News, a seulement qualifié les frappes contre les bateaux de « douteuses » et a suggéré que Trump aurait dû consulter le Congrès avant de prendre de telles mesures.

Cette disparité ne fait que souligner la solidarité essentielle entre Démocrates et Républicains en tant que partis de l’impérialisme américain. Des présidents démocrates comme Obama et Biden, tout comme Trump aujourd’hui, se sont régulièrement livrés à des assassinats par drones et à d’autres actes de boucherie impérialiste comme le bombardement de la Libye par les États-Unis et l’OTAN ou la guerre menée par ceux-ci contre la Russie en Ukraine.

(Article paru en anglais le 27 octobre 2025)

Voir en ligne : Patrick Martin sur wsws

Brèves Toutes les brèves

Navigation

Annonces